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Plastiques biosourcés, biodégradables et compostables : le rapport de l'Anses

21/08/2023 | Communication Compostage domestique Gestion de proximité Point de vue
Rapport ANSES
En octobre 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié son rapport sur les impacts sanitaires et environnementaux des matières plastiques biosourcées, biodégradables et compostables.

Retour sur cette publication et ses conclusions.

Contexte et objectif


C’est la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui a saisi l’Anses pour la réalisation de cette expertise. Bien que les délais d’étude se sont avérés très courts (3.5 mois d’expertise), l’objectif était de passer en revue :
  la composition des matières plastiques biosourcées et biodégradables,
  l’efficacité de leur dégradation via compostage domestique et industriel en lien avec la norme NF T 51-800,
  la part de microplastiques produits au cours des processus et leur dispersion dans l’environnement
  les effets potentiels liés à l’ingestion de ces matières


Définitions des matières plastiques


Biosourcée : se dit d’une matière plastique fabriquée à partir de ressources naturelles telles que l’amidon de maïs. Si les plastiques à usage unique doivent contenir au moins 50% de matière d’origine naturelle, les autres n’ont pas de teneur minimale obligatoire.

Biodégradable : concerne les matières plastiques qui se dégradent sous l’action de micro-organismes.

Compostable : terme qui englobe les matières plastiques biodégradables qui se dégradent dans des conditions de compostage industriel ou domestique optimales (température et hygrométrie spécifiques). Les normes actuelles imposent un potentiel de dégradation de plus de 90 %, dans un délai maximum de 6 ou 12 mois selon le type de compostage (conditions industrielles ou domestiques).



3 questions étudiées

Chacun des points précédents (composition, dégradation, dispersion et ingestion) ont ainsi fait l'objet d’analyse :

Composition des matières plastiques biosourcées et biodégradables,

La variété de compositions ou de “formulations” de ces matières présentes sur le marché, (mélange constitué d’un ou plusieurs polymères, d’additifs et de charges) relevant parfois du secret industriel, rend la rédaction d’une liste exhaustive quasi impossible malgré la réglementation européenne actuelle :
  obligation d’enregistrement de l’ensemble des constituants destiné à être en contact des denrées alimentaires dans le règlement REACh (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil de l’union européenne du 18 décembre 2006
  obligation d’enregistrement de tout article sur le marché ayant une substance extrêmement préoccupante (SVHC) (dès lors qu’elle a une concentration supérieure à 0,1 % (m/m) dans la base de données européenne SCIP

D’ailleurs, le terme “biosourcé” s’applique dès que la matière est partiellement issue de la biomasse (polymères et additifs compris). La teneur minimale obligatoire n’est réglementée que dans le secteur des matières plastiques à usage unique : sacs plastiques à usage unique (50% depuis le 1er janvier 2020) et objets à usage unique. Pour les autres matières, il n’existe aucun seuil réglementaire imposé.

Enfin, “toute matière plastique biosourcée n’est pas nécessairement biodégradable (et vice versa).”


Dégradation des matières plastiques biodégradables en compostage industriel et domestique et part des microplastiques générés


Comme tout matériau plastique, lors de son usage ou de son vieillissement et a fortiori lors d’un compostage en conditions industrielles ou domestiques, un matériau plastique biosourcé et biodégradable est susceptible de générer des microplastiques.

S’il existe plus de 50 normes pour évaluer la biodégradabilité des matériaux en fonction du processus de fin de vie envisagé, ce qui est source de confusion pour utilisateurs et consommateurs, aucune ne traite de tous les “compartiments environnementaux” en parallèle : air, sol, eau douce et eau de mer et aucune n’étudie la question de la méthanisation. On ne caractérise donc pas systématiquement le devenir des matières plastiques biodégradables dans l’environnement.

Les plus utilisées restent deux normes de compostage : la norme européenne NF EN 13432:2000 pour le compostage industriel des emballages et la norme française NF T51-800:2015 pour le compostage domestique des matières plastiques. Leur mise en œuvre est “d’application volontaire” mais la norme française est plus contraignante vis à vis des températures d’essais, recherche de métaux, de perturbateurs endocriniens (PE), de substances CMR (Cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) et SVHC (substance extrêmement préoccupante).

Le 1er constat est qu’un particulier “ne pourra pas appliquer l’ensemble des conditions indiquées dans le protocole pour un compostage domestique.”
Aussi, si ces deux normes imposent un “seuil de biodégradation” d’au moins 90 % après 6 mois de compostage, quid des 10% potentiellement restants qui peuvent être disséminés et s’accumuler dans le jardin d’un particulier ?
Enfin, aucune de ces deux études ne s'attache à contrôler les particules de plastique de tailles inférieures à 2 mm.

Les conditions d’essai lors des compostages en conditions industrielles ou domestiques ne garantissent pas l’absence de fuites de substances, de macroplastiques et/ou de microplastiques dans l’environnement.


Effets potentiels liés à l’ingestion de ces matières


Quel que soit le mode de compostage, les matières plastiques biodégradables vont induire la présence de microplastiques dans ces composts suite à leur désintégration.

Si on manque encore d’études sur les risques liés à l’ingestion des matières plastiques biosourcées et biodégradables, certains constituants sont aujourd’hui déjà ciblés pour leur toxicité, leur persistance et leur bioaccumulation et doivent être renseignés dans les répertoirs spécifiques en vigueur (règlement REACh et base de données SCIP)

La diffusion de micro- ou nanoplastiques dans l'environnement est aujourd’hui avérée comme conduisant à une exposition de l’Homme (Anses, 2020)


Conclusion


1. Il est important de sensibiliser la population à ne composter aucune de ces matières plastiques dites biodégradables car “leur dégradation complète n’étant pas assurée, ces matières et leurs produits de dégradation sont susceptibles de contribuer à une pollution de l’environnement et des aliments cultivés par les particuliers, et de présenter ainsi un risque à la fois pour les santés humaine, animale et végétale”.
2. La réglementation est à renforcer :
en interdisant “toute incitation ou revendication relative à l’insertion de matières plastiques dans un compost domestique”.
en renforçant les exigences relatives à la mise sur le marché de l’ensemble des matériaux revendiqués biodégradables et pas uniquement les emballages via des critères plus contraignants et des tests de biodégradation spécifiques à chaque compartiment environnemental. Notamment en rendant obligatoire l’application de la norme NF EN 13432:2000 (compostage industriel pour les emballages) et en interdisant aux industriels les substances les plus dangereuses dans leur formulation…


Ressources


Télécharger le rapport d’expertise complet et sa synthèse : en version PDF

Consultez le règlement européen REACH : aller sur le site dédier

Consultez la base de données européenne SCIP : aller sur le site dédié

Lire les articles de l’ANES en lien :
   “Pourquoi mettre des matières plastiques dans son composteur est une mauvaise idée”
   Proscrire les matières plastiques du compost domestique